« Tout le monde n’a pas les mêmes chances en matière de santé » : Aide Suisse contre le Sida

« Tout le monde n’a pas les mêmes chances en matière de santé »

Samira Marti, conseillère nationale socialiste, a chargé le Conseil fédéral en 2019 d’établir un rapport sur la santé des personnes lesbiennes, gays et bisexuelles par le biais d’un postulat. Le rapport a été adopté par le Conseil fédéral en 2022. Comme on pouvait s’y attendre, la Suisse doit se dépêcher si elle veut rendre le système de santé inclusif et accessible à tout le monde de manière équitable.

© Kostas Maros/13PHOTO

Samira Marti
Née en 1994, elle est économiste et conseillère nationale socialiste du canton de Bâle-Campagne. Elle s’engage pour l’égalité des genres, une politique active en faveur de la paix, la protection du climat et de l’environnement ainsi que les droits des minorités dans l’hémisphère sud.

Entretien avec Samira Marti: Brigitta Javurek

La Suisse possède un système de santé bien développé et diversifié. Il coûte cher, offre aussi beaucoup. Etes-vous d’accord avec cette déclaration ?

Oui, je suis d’accord. La santé est un bien précieux qui a aussi son prix. Mais ce qui me dérange, c’est qu’une part toujours plus grande des coûts de la santé est financée par l’impôt personnel (primes des caisses-maladie) : la professeure et l’agente de propreté paient la même chose. C’est antisocial.

Qu’est-ce qui vous a incitée à charger le Conseil fédéral en 2019, par le biais d’un postulat, de faire rédiger un rapport sur la santé des lesbiennes, des gays et des bisexuels (LGB) ?

Selon plusieurs études internationales, les LGB – et notamment les femmes – sont en moins bonne santé que le reste de la population et disposent d’un accès moins aisé aux institutions de soins. Pour pouvoir aborder ces dysfonctionnements au plan politique, nous avons besoin d’une analyse des données à ce sujet pour la Suisse, d’où mon postulat.

Pourquoi le T (personnes trans) est-il absent du postulat ?

Les personnes trans ne sont pas mentionnées dans le postulat parce que l’on ne disposait pas de beaucoup de chiffres à leur égard. Par conséquent, il a été décidé, d’entente avec Transgender Network, d’abandonner le T, faute de quoi nous courions le risque d’aboutir à une analyse trop lacunaire. Mon postulat demandait que les données déjà disponibles soient analysées de manière approfondie. L’orientation sexuelle figure dans la liste des questions de la Confédération, mais pas malheureusement l’identité de genre. L’étude complémentaire réalisée par la Haute école de Lucerne a toutefois pris en compte les personnes trans ou non binaires, livrant un premier aperçu de la santé de ce groupe de population. Les collectes de données devraient toujours inclure à l’avenir l’orientation sexuelle et l’identité de genre.

Avez-vous été surprise que le Conseil fédéral soit favorable à votre postulat ?

Le conseiller fédéral socialiste et ministre de la santé Alain Berset s’est beaucoup engagé en faveur du postulat. La recommandation du Conseil fédéral en faveur de l’acceptation a contribué par la suite à obtenir une majorité au Conseil. En tant que parlementaire de gauche, être du côté de la minorité fait partie de mon quotidien politique. Je me réjouis d’autant plus de ce genre de succès.
Vous réclamez l’égalité des chances en matière de santé pour toutes les personnes vivant en Suisse. Qu’est-ce que cela signifie ?
Cela veut dire que tout le monde doit pouvoir accéder de manière équitable au système de santé et à nos institutions de soins, indépendamment de facteurs sociaux et financiers. Si l’on observe des discriminations structurelles, il faut des moyens suffisants pour les combattre. Et si l’on identifie des risques structurels en matière de santé, il faut prendre des mesures spécifiques. S’agissant des personnes LGBT, cela s’applique en particulier à la prévention du suicide, à la santé sexuelle et aux dépendances.

Les données nationales relatives à la santé des personnes LGBT sont rares en Suisse. Où se situe la Suisse en comparaison européenne ?

Contrairement à presque tous nos voisins européens, la Suisse n’a pas étudié jusqu’à présent la situation des personnes LBGT sur le plan de la santé. Ce qui explique que presque rien n’a été fait jusqu’ici en faveur des personnes queers.

La Haute école de Lucerne a réalisé par la suite un rapport de recherche qui a été adopté par le Conseil fédéral fin 2022. Quelles en sont les principales conclusions ?

Le rapport confirme ce que les associations LGBT disent déjà depuis des années : toutes les personnes vivant en Suisse n’ont pas les mêmes chances en matière de santé. Il y a des différences très nettes entre les personnes cis hétérosexuelles et les personnes LGBT : ces dernières souffrent plus souvent de dépression. De plus, on observe un risque accru de suicide et de dépendance et une santé psychique fragilisée. L’accès aux institutions de soins est plus difficile, surtout pour les personnes trans et/ou non binaires : près d’un tiers d’entre elles rapportent avoir subi des discriminations ou de la violence au cours des douze derniers mois dans le cadre des soins de santé. Mais il faut le souligner : ce n’est bien sûr pas l’orientation sexuelle ou l’identité de genre qui en est la cause, mais la stigmatisation et la discrimination qui y sont liées.

Le rapport révèle des inégalités de santé entre les personnes LGBT et le reste de la population suisse. Quelles sont les prochaines étapes ?

Il s’agit maintenant de remédier aux dysfonctionnements qui ont été mis au jour. C’est au Conseil fédéral d’agir. Il faut des mesures spécifiques, mais il faut aussi revoir toutes les offres existantes en matière de promotion de la santé, de prévention et de traitement en prenant en compte les personnes LGBT. Il convient d’inclure dans la démarche les organisations locales et nationales. En l’absence d’action de la part des institutions étatiques, ce sont elles qui ont comblé les lacunes ces dernières années et elles ont accumulé un grand savoir-faire.

Où faudrait-il intervenir rapidement ?

La lutte contre les discriminations et la violence doit être considérée comme un aspect important de la santé. Le Conseil fédéral doit établir et mettre en œuvre le plan d’action national contre les discriminations dans les plus brefs délais.

Y a-t-il des oppositions à cette mise en œuvre ?

Je m’y attends. Le postulat a été combattu par l’UDC. Je suppose, hélas, que cela ne va pas changer.

Comment voyez-vous la prévention 2030 dans le domaine de la santé pour les personnes LGBT en Suisse ?

J’espère que nous aurons bien avancé et que nous n’en serons plus aux analyses de données, mais aux mesures concrètes. Toutes les offres devraient être inclusives et il devrait y avoir une prévention et une sensibilisation ad hoc pour des risques spécifiques et un accès à bas seuil aux soins de santé.

L’entretien avec Samira Marti a été mené par écrit.

Qu’est-ce qu’un postulat ?

Un postulat charge le Conseil fédéral d’examiner l’opportunité, soit de déposer un projet d’acte de l’Assemblée fédérale, soit de prendre une mesure et de présenter un rapport à ce sujet. Il peut être déposé par un député, par un groupe parlementaire ou par la majorité d’une commission. Le Conseil fédéral propose d’accepter ou de rejeter le postulat, en règle générale au plus tard au début de la session ordinaire suivant son dépôt. Lorsque le postulat est adopté par le conseil où il a été déposé, il est transmis au Conseil fédéral. Par contre, si le conseil rejette le postulat, celui-ci est liquidé.

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