Prévention et la réduction des risques : Aide Suisse contre le Sida

Prévention et la réduction des risques

Alors que le chemsex fait souvent les titres de la presse grand public sous l’angle de la stigmatisation et de la prohibition, un large éventail d’outils et d’initiatives existe pour prévenir et réduire les risques.

Laure Dasinieres | Juillet 2023

« Ce qui est intéressant dans l’approche de réduction des risques en matière de chemsex, c’est d’abord que cela suppose d’admettre qu’il y a une pratique, qu’elle existe. Cela n’a pas toujours été le cas en médecine. » La Dre Vanessa Christinet connait bien le sujet : au Checkpoint de la Fondation Profa à Lausanne dont elle est responsable, ont été mis en place des consultations et des groupes de parole dédiés aux chemsexeurs qui ressentent le besoin de se faire aider et de ne pas rester seuls. De fait, alors que près de 20% des HSH suisses auraient déjà pratiqué le chemsex, mettre la question sous le tapis et faire comme si elle n’existait pas relèverait au mieux de l’aveuglement coupable, au pire de la mise en danger d’autrui. En effet, selon une étude hollandaise, 21% des chemsexeurs occasionnels ou réguliers se refusent à solliciter des conseils de la part de professionnels en raison d’un sentiment de stigmatisation, d’une atmosphère de tabou, du fait de connaissances insuffisantes de la part des professionnels et d’un sentiment de honte. En outre, alimenter l’interdit autour du chemsex, c’est freiner la diffusion de sites et de supports d’informations qui permettent de s’informer efficacement sur les bonnes pratiques. C’est donc sans tabou ni fausse pudeur qu’il convient d’aborder le phénomène chemsex sous ses différents aspects.
Alors, de quoi parle-t-on lorsque l’on parle de « chemsex » ? Forgé au sein de la communauté gay anglo-saxonne, le terme renvoie à l’utilisation de produits psychoactifs dans un contexte sexuel – chems est utilisé en anglais courant pour parler des drogues illicites. Si cette définition seule peut décrire différents contextes tant hétérosexuels qu’homosexuels, le fait est que le terme « chemsex » renvoie à un ensemble de pratiques plus spécifiquement gays masculines consistant à consommer des produits psychoactifs dans le cadre de sessions sexuelles le plus souvent organisées et planifiées – on parle de « plan chem ». Celles-ci supposent le plus souvent du sexe en groupe et/ou des pratiques dites « hard » (comme le fist-fucking) et peuvent durer de quelques heures à plusieurs jours.
Les substances utilisées sont le plus souvent

  • des stimulants : cathinones (3-MMC, 4-MMC (méphédrone), MDPV et Alpha-PVP), méthamphétamine, cocaïne … ;
  • des empathogènes : MDMA (ecstasy), MDA, MDEA, MBDB ;
  • des dépresseurs : GHB, GBL.

Si la pratique s’est initialement majoritairement développée chez des HSH séropositifs de plus de trente ans, il semble aujourd’hui que de plus en plus de jeunes séronégatifs s’y initient du fait à la fois de l’explosion des usages d’applications de rencontres en ligne ainsi que de la plus grande disponibilité des différentes drogues de synthèse. Cette description permet de mieux appréhender les risques inhérents à la pratique et les moyens de les prévenir et de les réduire. L’approche pourra se faire par deux volets complémentaires : le safer sex et le safer use, en gardant en tête, ainsi que le précise Marc Marthaler, collaborateur scientifique à Infodrog : « La réduction des risques ne porte pas de jugement sur la consommation de drogues et se caractérise par une attitude orientée vers l’acceptation ».

« Safer sex »

« Le lien entre consommation – de drogues mais aussi d’alcool – et IST est épidémiologiquement démontré », expose Vanessa Christinet. Et, dans un contexte où les partenaires sont souvent multiples et où, comme le signale Florent Jouinot, responsable de la coordination romande pour l’Aide Suisse contre le Sida, « l’usage du préservatif est loin d’être systématique », les risques sont majorés. La réduction des risques passe alors par :

  • le recours à la PrEP : « C’est la stratégie la plus sûre et la plus efficace pour se prémunir du VIH », rappelle Florent Jouinot. « Pour moi, c’est un aspect essentiel que j’aborde systématiquement », confirme Vanessa Christinet ;
  • la vaccination (hépatites A et B, HPV) ;
  • les dépistages réguliers (VIH, syphilis, gonorrhée, chlamydia et hépatite C) ;
  • le recours à la PEP, en cas d’exposition potentielle au VIH. Plus celle-ci est administrée rapidement, plus elle est efficace : il est ainsi conseillé de se rendre aux urgences médicales les plus proches pour se la faire prescrire. Elle pourra être prise en charge par l’assurance obligatoire des soins (assurance de base) ;
  • le port de gants lors de la pratique du fist et le nettoyage et la désinfection des jouets sexuels et des lavements anaux afin de prévenir une infection à l’hépatite C.

À ce volet prévention des IST, Vanessa Christinet ajoute la question du consentement qui peut « être problématique dans le contexte du chemsex ». En effet, une personne ivre, sous produits ou endormie est davantage susceptible d’être victime d’abus qui constituent des violences sexuelles. C’est notamment pour cette raison que Florent Jouinot recommande que la pratique du chemsex se fasse en compagnie de personnes de confiance qui pourront réagir en cas de comportements abusifs ou violents.

« Safer use »

S’il convient de s’assurer d’un cadre sécure et de connaitre et de pouvoir compter sur les personnes avec qui on pratique le chemsex, c’est aussi pour réduire les risques en matière de consommation de drogues. Comme le souligne Florent Jouinot, rappelant qu’aucun usage n’est anodin, « il importe d’être en présence de pairs capables de prendre soin de l’autre, de réagir en cas de problème, d’appeler les secours si cela est nécessaire ».

En outre, réduire les risques en matière de consommation de drogues passe par :

  • Une bonne connaissance des produits, de leurs dosages, de leurs effets et des inter-actions avec d’autres drogues et médicaments. Marthaler ajoute : « Il existe à Zurich une offre de drug checking destinée explicitement aux personnes qui pratiquent le chemsex ».
  • Le respect de bonnes pratiques et de règles d’hygiène lorsque l’on est l’organisateur du plan chem. Par exemple, il est recommandé de mettre à disposition des participants un tableau sur lequel ils notent les substances qu’ils ont prises, l’heure de la prise et le dosage afin d’éviter surconsommation et surdoses.
  • Une bonne connaissance des modes d’administration notamment lorsque l’on « slamme », c’est-à-dire lorsque l’on s’injecte le produit, une pratique plus à risque de surdose mais aussi d’infections.
  • Le respect d’un certain nombre de mesures destinées à prendre soin de soi : éviter les consommations mixtes, penser à boire et à manger, se rafraîchir, se reposer…
  • Le soin porté aux autres. La solidarité est de mise et il importe d’apporter son aide à un pair qui se trouverait en difficulté et de garder en tête le 144 à appeler pour obtenir des secours.

Les personnes qui prennent des traitements thérapeutiques ou préventifs contre le VIH doivent être particulièrement vigilantes. D’abord à ne pas manquer de prise : une étude a en effet notamment mis en évidence une baisse de l’observance médicamenteuse avec la prise de substances, particulièrement de GHB/GBL, cocaïne, amphétamine et métamphétamine.

Forgé au sein de la communauté gay anglo-
saxonne, le terme renvoie à l’utilisation de produits psychoactifs dans un contexte sexuel – chems est utilisé en anglais courant pour parler des drogues illicites.


Il est alors conseillé d’installer une alarme sur son téléphone et de veiller à emporter avec soi une réserve suffisante de médicaments au cas où la session dure plus longtemps que prévu. Vigilance également car il peut exister des interactions entre les traitements anti-VIH et certaines substances psychoactives. Afin de vérifier ces possibles interactions dans le détail et au cas par cas, l’association française Actions Traitements propose sur son site une réglette d’interactions médicamenteuses conçue pour vérifier les interactions entre un traitement VIH ou VHC et les autres médicaments, les différentes drogues récréatives ainsi que certaines plantes utilisées en phytothérapie.

De la pratique festive à la descente aux enfers

« Chez certains chemsexeurs, la réduction des risques en matière d’IST et de drogues suffira et ils parviendront à conserver une pratique festive, peut-être parce qu’ils ont, à côté, des liens affectifs forts avec leur famille et leurs amis et un intérêt pour leur travail. Mais chez d’autres, le chemsex peut mener à une véritable descente aux enfers, parfois assez rapide », explique Vanessa Christinet. « La consommation est souvent une réponse à des émotions négatives comme la déprime, l'anxiété, la frustration », confirme Patrice Aiello, infirmier et pair-aidant au Checkpoint de la Fondation Profa à Lausanne. De fait, la combinaison drogues et sexe sur un terrain de vulnérabilité à l’addiction et sur des facteurs de fragilité psychique, tels qu’un manque de confiance et d’estime de soi, un mal-être ou encore des difficultés avec sa sexualité, peut avoir des conséquences dramatiques : désocialisation, isolement, perte d’emploi, incapacité à avoir des relations sexuelles sans substance, dépression… « Avant de solliciter de l’aide, je me suis rendu compte que le chemsex impactait tous les aspects de ma vie, témoigne Patrice Aiello qui a lui-même traversé cette descente aux enfers. Sur le moment, le chem, c’est super. Ça désamorce toutes les émotions négatives. Mais dès que l’on arrête, c'est encore pire. La déprime et l’anxiété reviennent et les conséquences en termes d’isolement social et familial sont terribles. Et pour pallier cela, on consomme à nouveau…», ajoute-t-il.

Peut-on prévenir cet engrenage dramatique ? S’il n’est pas toujours aisé de prendre conscience par soi-même, Florent Jouinot invite les chemsexeurs à consommer en conscience et à faire régulièrement le point avec eux-mêmes en se posant des questions sur leurs pratiques :

  • Est-ce que j’ai augmenté ma fréquence de consommation ?
  • Est-ce que j’ai augmenté les doses ?
  • Est-ce que j’ai modifié les modes d’administration ?
  • Est-ce que j’arrive encore à avoir des relations sexuelles sans substances ?

De son côté, Clara Feteanu, psychiatre-psychothérapeute FMH au Checkpoint de la Fondation Profa à Lausanne, met le doigt sur différents signaux d’alerte qui pourront conduire à solliciter de l’aide : « Je pense notamment au fait de rechercher une intensité plus importante, lorsque l’on passe au slam, pour avoir davantage d’effet. Il y a aussi l’augmentation du temps passé à penser à sa consommation, à la préparer et à s’en remettre. Et puis, il y a l’impact que cette consommation a sur la vie de la personne notamment en termes financiers – de plus en plus d’argent passe dans la pratique et les substances, mais aussi en termes relationnels : la personne ne parvient plus à honorer ses engagements auprès de ses proches, de sa famille ou au travail. » Ajoutons à cette concentration de la vie autour du chemsex, une dégradation de la santé physique et psychique. Face à ce faisceau de signes, le chemsexeur concerné pourra trouver une aide pluridisciplinaire sous différentes modalités au sein des Checkpoints et autres centres de santé sexuelle et communautaire : consultations avec un médecin, un·e psychiatre et/ou un·e infirmièr·e spécialisé·e, consultation auprès d’un pair-aidant, psychothérapie en addictologie et santé sexuelle, groupes de parole, etc. « Tous ces endroits sont complémentaires, ce qui est discuté dans le groupe, entre pairs, est différent de ce qui est discuté en consultation. C’est une richesse que de pouvoir s’adresser à ces différents intervenants », signale Clara Feteanu.

C’est mieux compris, mieux adressé et dé-stigmatisé que le chemsex, lorsqu’il devient problématique, est le mieux pris en charge.

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