Des procédures complexes
Un médicament doit remplir toute une série de conditions pour être autorisé à la distribution en Suisse. L’autorisation de mise sur le marché ne garantit toutefois pas encore que le médicament sera remboursé dans le cadre de l’assurance obligatoire des soins. Le point ci-après sur l'obligation de prise en charge, le mode de remise, les génériques et la médecine complémentaire.
Caroline Suter, Dr en droit
Procédure d’autorisation
Pour pouvoir être mis sur le marché en Suisse, un médicament doit être soumis à une procédure d’autorisation auprès de Swissmedic, l’Institut suisse des produits thérapeutiques. Dans le cadre de la procédure, celui-ci vérifie, au moyen de la documentation scientifique complète remise par le fabricant, si un médicament est efficace et sûr et s’il présente la qualité pharmaceutique requise. Il contrôle également les indications et la posologie fournies par l’entreprise pharmaceutique ainsi que l’étiquetage du médicament et la notice d’emballage. Plus de précisions sur la procédure d’autorisation dans la revue SAN 3/2021, p. 18 ss
Lorsque Swissmedic délivre l’autorisation de mise sur le marché, il décide dans un deuxième temps, sur la base du rapport bénéfice-risque dans le cas concret, si un médicament ne doit être vendu que sur prescription médicale ou s’il peut être remis sans ordonnance.
Remise de médicaments
Les médicaments autorisés en Suisse se subdivisent en quatre catégories de remise :
- Catégorie A : remise sur ordonnance médicale non renouvelable, en pharmacie (et en cabinet médical, voir ci-dessous). Exemples : médicaments contre le VIH, antibiotiques.
- Catégorie B : remise sur ordonnance médicale renouvelable, en pharmacie (et en cabinet médical, voir ci-dessous). Exemples : médicaments pour la pression artérielle, somnifères.
- Catégorie D : remise sans ordonnance en pharmacie et en droguerie sur conseil spécialisé. Exemples : phytothérapie, ibuprofène.
- Catégorie E : vente libre en pharmacie, droguerie et dans le commerce spécialisé, sans ordonnance et sans conseil spécialisé. Exemples : bonbons contre la toux, thé.
Il existait encore jusqu’en 2018 une catégorie C pour des médicaments remis en pharmacie. Elle a été supprimée et les médicaments concernés ont été réaffectés aux catégories B (15 %) ou D (85 %).
Les médicaments sont généralement remis en pharmacie. Mais la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal) et celle sur les produits thérapeutiques (LPTh) prévoient aussi en principe la possibilité d’une remise en cabinet médical (« propharmacie »). Pour ce faire, les médecins doivent demander une autorisation cantonale. Dix-sept cantons alémaniques permettent la propharmacie (exceptions : Bâle-Ville et Argovie), alors que la Suisse latine ne l’autorise que dans des cas exceptionnels.
L’autorisation d’un médicament par Swissmedic ne signifie pas encore qu’il sera pris en charge par l’assurance de base des caisses-
maladie. C’est l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) qui le décide.
Remboursement par les caisses-maladie
L’ordonnance sur les prestations de l’assurance des soins (OPAS) règle dans le détail les prestations prises en charge par l’assurance de base, garantissant que tous les assurés se voient rembourser les mêmes prestations. Le Département fédéral de l’intérieur (DFI) décide des nouvelles prestations qui sont admises dans l’OPAS et fixe dans quelle mesure les coûts sont pris en charge par l’assurance de base. Le DFI est conseillé à cet égard par différentes commissions et soutenu par l’OFSP.
La liste des médicaments pris en charge par les caisses-maladie ne se trouve toutefois pas dans l’OPAS, mais dans une liste séparée dite liste des spécialités (www.spezialitaetenliste.ch), à laquelle renvoient l’OPAS et la LAMal. Les titulaires de l’autorisation pour un médicament peuvent adresser à l’OFSP une demande d’admission dans la liste des spécialités. Pour être admis, le médicament doit remplir les critères de l’efficacité, de l’adéquation et de l’économicité. S’il s’agit de l’admission de préparations originales, d’augmentation de prix, d’extension des indications ou de modification d’une limitation, l’OFSP se fait conseiller par la Commission fédérale des médicaments (CFM).
Un médicament admis dans la liste des spécialités n’est toutefois remboursé par l’assurance-maladie que s’il est prescrit par un médecin et remis comme indiqué dans la liste des spécialités.
Cas spéciaux : usage hors ndication et hors limitation
Si le médicament est acheté sous une autre forme pharmaceutique (p. ex. gouttes au lieu de comprimés) ou dans une autre taille d’emballage (p. ex. 100 pièces au lieu de 50), la patiente ou le patient doit en règle générale le payer de sa poche. Cet usage est dit hors indication ou off-label.
De nombreux médicaments font l’objet de limitations. En d’autres termes, ils ne sont remboursés par l’assurance-maladie que pour un traitement bien précis, pour une durée déterminée ou pour un cercle de personnes déterminé. La prophylaxie pré-exposition du VIH (PrEP) en est un exemple. Les médicaments utilisés pour la PrEP sont autorisés par Swissmedic et figurent sur la liste des spécialités. Ils sont toutefois accompagnés de la remarque suivante : « Limitation : prise en charge du traitement d’une infection par le VIH-1 chez les adultes âgés de plus de 18 ans naïfs de tout traitement antirétroviral, en association avec un inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse (INNTI) ou un inhibiteur de la protéase. » Cela signifie que ces médicaments ne sont remboursés que dans le cadre d’un traitement du VIH, et non d’une PrEP.
L’usage hors indication ou hors limitation n’est pris en charge par l’assurance obligatoire des soins que dans de très rares cas, à savoir
- lorsque l’usage du médicament constitue un préalable indispensable à la réalisation d’une autre prestation prise en charge par l’assurance obligatoire des soins et que celle-ci est largement prédominante ;
- lorsque l’usage du médicament permet d’escompter un bénéfice élevé contre une maladie susceptible d’être mortelle pour l’assuré ou de lui causer des problèmes de santé graves et chroniques et que, faute d’alternative thérapeutique, il n’existe pas d’autre traitement efficace autorisé.
Une garantie préalable de prise en charge de l’assurance-maladie est requise, après consultation du médecin-conseil.
La prophylaxie post-exposition (PEP) est, elle aussi, appliquée en dehors de la limitation fixée. Mais contrairement à la PrEP, elle est mentionnée explicitement dans l’OPAS en tant que mesure prophylactique que l’assurance-maladie prend en charge à titre exceptionnel. En cas d’exposition professionnelle au VIH, la PEP est remboursée par l’assurance-accidents.
Génériques
La mise au point d’un médicament coûte cher. La qualité, la sécurité et l’efficacité des médicaments doivent être testées dans le cadre d’études de longue haleine. Voilà pourquoi les entreprises pharmaceutiques peuvent faire breveter un nouveau médicament, ce qui le protège de la copie et garantit l’utilisation économique par le seul titulaire du brevet pour une durée fixée légalement. La durée de protection s’élève à vingt ans à l’échelle mondiale et peut être prolongée de cinq années supplémentaires dans certaines circonstances.
A l’expiration de la durée de protection, d’autres fournisseurs peuvent fabriquer et distribuer un médicament avec le même principe actif. Une telle copie de médicament porte le nom de générique. La demande d’autorisation d’un générique peut s’appuyer sur la preuve de l’efficacité et de l’innocuité de la préparation originale. Il suffit de prouver que le générique a la même efficacité et la même qualité que l’original. De ce fait, le prix de vente d’un générique est inférieur. Il existe aussi désormais des génériques pour une partie des traitements antirétroviraux.
Les patientes et patients qui se font prescrire un médicament original au lieu d’un générique équivalent et moins cher doivent, en règle générale, payer une quote-part plus élevée, à savoir 20 pour cent au lieu de 10. Cela ne s’applique pas si le médecin prescrit expressément la préparation originale pour des raisons médicales. Mais cela doit être mentionné sur l’ordonnance.
Vous trouvez une liste des génériques sur :
Médecine complémentaire
L’assurance de base prend aussi en charge les coûts de la médecine complémentaire, autrement dit de procédés diagnostiques et thérapeutiques utilisés en complément de la médecine classique, suivant la méthode et la personne qui propose le traitement. Les disciplines suivantes sont remboursées :
- médecine anthroposophique,
- acupuncture,
- homéopathie classique,
- phytothérapie (remèdes à base de plantes),
- médecine traditionnelle chinoise (MTC).
Pour être pris en charge, le traitement doit être réalisé par des médecins disposant d’un titre postgrade attestant une formation en médecine complémentaire. Avant de commencer un traitement, il est recommandé de vérifier si le médecin traitant dispose d’un tel titre.
Assurances complémentaires
Les remèdes qui ne sont pas pris en charge par l’assurance de base peuvent, le cas échéant, être remboursés par une assurance complémentaire existante, même s’ils ne figurent pas sur la liste des spécialités. Mais il existe des médicaments qui ne sont pris en charge ni par l’assurance de base ni par les complémentaires. Ils figurent sur la « liste des produits pharmaceutiques pour application spéciale » (LPPA). Ce sont des préparations autorisées par Swissmedic qui ne sont pas exclusivement destinées à des usages curatifs. Ce sont notamment des préparations à usage préventif ou des préparations dites « lifestyle » ou de confort, tels des compléments alimentaires ou préparations vitaminées. La liste peut être consultée sur www.lppv.ch.