Voyager à l’étranger avec le VIH
Voyager permet de découvrir de nouveaux horizons et de vivre des expériences inoubliables. Au moment de planifier un voyage, il faut choisir la destination, le logement et les activités, mais aussi songer aux aspects juridiques : formalités d’entrée, dispositions concernant l’importation de médicaments ou encore couverture d’assurance en cas de maladie ou de congé non payé. Petit tour d’horizon et conseils pratiques.

Caroline Suter, Dr en droit | | Juillet 2023
Restrictions d’entrée
Parmi les quelque 195 pays du monde entier, un grand nombre connaissait jusqu’il y a peu des restrictions d’entrée ou de séjour pour les personnes vivant avec le VIH, l’exemple le plus célèbre étant les Etats-Unis jusqu’en 2009. Ces restrictions reposaient et reposent toujours sur l’idée dépassée selon laquelle il serait possible de freiner ainsi la propagation du virus. De telles restrictions sont discriminatoires et ne sont pas défendables d’un point de vue économique, ne serait-ce que parce qu’elles entravent la mobilité professionnelle. Grâce au lobbying acharné de l’ONUSIDA et des organisations de lutte contre le VIH partout dans le monde, la situation s’est améliorée ces dernières années. Il n’en reste pas moins que quelque 40 pays ou territoires connaissent encore des restrictions. Celles-ci concernent pour la plupart l’établissement à l’étranger et les séjours en lien avec une activité lucrative ou des études. Avant un voyage dans un pays qui n’est pas membre de l’UE, il est recommandé dans tous les cas de consulter le site très utile www.hivtravel.org. Celui-ci recense pour chaque pays les conditions d’entrée et de séjour en rapport avec le VIH. La date de la dernière mise à jour figure au bas de la page dans les informations relatives à chaque pays. L’ONUSIDA propose aussi un aperçu sur travelrestrictions.unaids.org. Si les informations répertoriées sur ces sites ne sont pas claires ou pas d’actualité, il est possible de s’adresser à l’ambassade correspondante ou à la représentation suisse dans le pays de destination. Les demandes peuvent aussi se faire de façon anonyme.
Médicaments à emporter
Si l’on se rend dans un pays qui n’a pas de restrictions d’entrée, il est préférable d’emporter ses médicaments contre le VIH dans son bagage à main étant donné qu’il arrive régulièrement que des bagages en soute n’atterrissent pas au bon endroit ou se perdent en route. Si le séjour dure un certain temps, il est en outre recommandé de vérifier la législation douanière du pays de destination concernant l’importation de médicaments. La quantité admise à l’importation peut être limitée même pour des médicaments destinés à l’usage personnel. Il vaut la peine d’emporter aussi une attestation en anglais de votre médecin précisant que vous devez prendre ces médicaments régulièrement. Un formulaire type se trouve dans le guide juridique de l’Aide Suisse contre le Sida que vous pouvez télécharger sur shop.aids.ch
Si l’on se rend dans un pays qui a des restrictions d’entrée spécifiques au VIH, il convient de transférer les médicaments dans un récipient neutre d’un médicament en vente libre. Il faut impérativement emporter aussi une attestation médicale précisant que ce médicament est absolument nécessaire. Il faut toutefois indiquer une autre raison médicale que le VIH, par exemple l’hypertension. Suite au renforcement des contrôles de sécurité ces dernières années dans les aéroports, les bagages à main sont plus souvent fouillés, d’où le risque que les médicaments que l’on emporte soient découverts. Mais si on les met dans le bagage en soute, on risque de les perdre ou de devoir attendre leur arrivée pendant un certain temps. Par conséquent, il faudrait toujours emporter une réserve dans le bagage à main. De plus, comme il arrive que le voyage de retour subisse un retard imprévu, il est conseillé de prévoir un stock supplémentaire. Si vous deviez malgré tout vous trouver à court de médicaments à l’étranger, vous pouvez vous renseigner sur les adresses des centres de traitement auprès des représentations nationales de l’ONUSIDA
Les remarques concernant les médicaments à emporter s’appliquent aussi aux personnes qui prennent la PrEP.

Malade à l’étranger
Séjour dans un pays de l’UE/AELE ou au Royaume-Uni
Toute personne assurée en Suisse contre la maladie reçoit de sa caisse-maladie une carte d’assurance européenne. Celle-ci donne droit à des soins médicaux nécessaires et imprévus au cours d’un séjour temporaire dans un pays de l’UE/AELE ou au Royaume-Uni. En règle générale, les coûts sont pris en charge, sur présentation de la carte, par l’assureur du pays de séjour qui se fait ensuite rembourser par l’assurance-maladie suisse. La participation aux coûts (quote-part) ne se fonde pas sur l’assurance-maladie suisse, mais sur les dispositions du pays de séjour et doit être généralement payée sur place. En contrepartie, la participation financière en Suisse tombe. Précisons que la participation payée à l’étranger n’est pas imputée sur la franchise et la quote-part en Suisse. Le site de l’Institution commune LAMal www.kvg.org indique, à la rubrique « Particuliers – Séjour dans l’UE/AELE ou l’UK – Informations sur les pays », les participations dues dans les différents pays.
Il convient d’avoir toujours sur soi la carte européenne d’assurance-maladie. En cas de perte ou d’oubli, vous pouvez demander si nécessaire à votre caisse-maladie, par téléphone ou par courriel, de vous faire parvenir un certificat provisoire.
Séjour hors de l’UE/AELE et du Royaume-Uni
En cas de voyage dans un pays non européen, l’assurance-maladie suisse prend en charge les frais de traitement en cas d’urgence au maximum jusqu’au double du montant qui serait remboursé pour le même traitement dans le canton de domicile. Suivant le pays, les coûts des traitements médicaux peuvent se révéler nettement plus élevés qu’en Suisse, par exemple aux Etats-Unis, au Canada, au Japon ou en Australie. Il peut être judicieux de contracter une assurance voyage si l’on envisage de se rendre dans ces pays. Mais comme il s’agit d’une assurance privée, les frais de traitement pour les maladies préexistantes, par exemple en lien avec le VIH, ne sont en règle générale pas pris en charge. Avant de conclure une telle assurance, lisez par conséquent attentivement les conditions générales d’assurance (CGA) afin de savoir ce qui est pris en charge et ce qui ne l’est pas. Les frais de traitement doivent généralement être réglés sur place et sont remboursés après le retour en Suisse.
Si vous prévoyez un séjour temporaire d’une année ou plus à l’étranger, vous devriez négocier votre maintien dans l’assurance avec votre caisse-maladie, ce qui, soit dit en passant, n’est pas possible en cas d’émigration. Si vous avez une assurance complémentaire, vous pouvez généralement la suspendre pour une durée de cinq ans au maximum – pour autant que les CGA le prévoient. L’assurance complémentaire est alors suspendue jusqu’à votre retour en Suisse. En d’autres termes, elle n’octroie pas de prestations pendant le séjour à l’étranger, mais vous pouvez la récupérer aux mêmes conditions à votre retour en Suisse. C’est important, étant donné qu’un diagnostic de VIH ne vous permet plus de conclure une assurance complémentaire.

Spécificités en cas de congé non payé
De nombreux employeurs accordent sur demande un congé non payé, bien que la Suisse ne connaisse pas un droit légal à cet effet. Le rapport de travail est maintenu pendant un tel congé, mais les obligations de l’employeur (paiement du salaire) et celles de l’employé∙e (travail accompli) sont suspendues. Le droit aux vacances est réduit d’un douzième par mois entier de congé non payé. Le congé sabbatique a aussi des répercussions sur les assurances qu’il faut impérativement prendre en compte :
Assurance-accidents
Les employé∙es sont assurés contre les accidents professionnels et non professionnels par leur employeur dès qu’ils travaillent plus de huit heures par semaine. L’assurance-accidents obligatoire prend fin 31 jours après le dernier jour de travail ou après le dernier versement du salaire. Vous pouvez conclure une assurance dite par convention auprès de l’assurance-accidents de votre employeur et prolonger ainsi votre couverture d’assurance pour une durée maximale de 180 jours. Si le congé non payé est plus long, la couverture d’assurance pour les accidents non professionnels peut être intégrée dans l’assurance de base.
Assurance d’indemnités journalières en cas de maladie
Le droit au maintien du salaire en cas de maladie s’éteint pendant un congé non payé. Certaines assurances permettent toutefois de conserver la couverture d’assurance pendant le congé non payé ou de passer dans l’assurance individuelle d’indemnités journalières pour cette période-là. Informez-vous auprès de votre employeur.
AVS, AI, APG
Aucune cotisation aux assurances sociales n’est versée en l’absence de salaire. Il en résulte qu’un congé non payé peut entraîner des lacunes dans les cotisations qu’il convient d’éviter. Vérifiez sur vos fiches de salaire si vous avez atteint la cotisation AVS/AI minimale de CHF 514.- (état : 2023). Ou renseignez-vous à votre retour auprès de la caisse de compensation (https://www.ahv-iv.ch). Les éventuelles lacunes peuvent être comblées jusqu’à cinq ans rétroactivement.
Prévoyance professionnelle
En cas de congé non payé, le risque d’invalidité et de décès suite à une maladie ou un accident n’est plus couvert un mois après le dernier paiement du salaire. La plupart des caisses de pension permettent toutefois de maintenir la couverture en règle générale pendant six mois, parfois même 12 à 24 mois.
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